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Amis du laboratoire Arago
15 mai 2020

QUESTIONS-RÉPONSES: les petits ARNs...? par Manuel ECHEVERRIA

Question :

"On entend parler actuellement d’une famille d’acides nucléiques, les petits ARNs et de leur capacité de régulation. Chez les plantes, ils participent à la réponse anti-virale. Quelle est plus généralement leur fonction et peut-on imaginer qu'ils puissent avoir un rôle quelconque dans la réponse au SARS-CoV2, l’agent infectieux du Covid19?"

Réponse par :

Manuel Echeverria, Professeur à l’Université de Perpignan, ex-directeur du Laboratoire Génome et Développement des Plantes, spécialiste des mécanismes de régulation liés aux petits ARNs

Les petits ARNs régulateurs et l’interférence par ARN

                                                                                ©NIH, Wikimedia Commons DP

Les petits ARNs qui provoquent le mécanisme d’interférence par ARN (RNAi) ont été découvert vers la fin des années 90 chez Caenorabditis elegans (un petit ver) et chez les plantes. Cette découverte, qui révéla un mécanisme génétique absolument fondamental, a profondément changé notre vision sur la régulation des gènes chez tous les organismes. Ceci value en 2006 l’attribution du prix Nobel de médecine à Andrew Fire (Univ. de Stanford, USA) et Craig Mellow (Univ. de Massachusset , USA), qui découvrirent ce processus chez ce petit ver.

Mais pourquoi une telle révolution ?

 

A cette époque le dogme était que les facteurs qui régulent l’expression des gènes étaient les protéines... Or, les travaux sur le RNAi démontrent que les petits ARN, qui étaient auparavant absolument inconnus, étaient tout aussi importants. Ces petits ARNs d’une taille de 20 à 25 nucléotides, se partagent en deux familles, les siRNAs et miRNAs. Ces deux types de petits ARNs provoquent l’extinction d’un ou de plusieurs gènes, mais leurs cibles sont différentes. Chez les plantes les siRNAs ciblent l’ADN et dirigent la modification (par méthylation) de certains gènes, ce qui provoque leur inactivation: c’est un phénomène de régulation épigénétique. Les miRNAs ciblent les ARN messagers (ARNm) qui codent pour des protéines et provoquent leur clivage. Chaque miRNA a un ARNm cible spécifique, dont le clivage se traduit par une diminution de la protéine correspondante dans la cellule. Ceci permet de réguler très finement le taux d’une protéine spécifique dans un organisme. On sait aujourd’hui que ces petits ARNs sont des régulateurs essentiels du développement des organismes, de leur métabolisme et de leur adaptation aux stress environnementaux.

 

Les siRNAs, un système antiviral très performant chez les plantes 


Chez les plantes les siRNAs ont été mis en évidence de manière inattendue : en cherchant à intensifier la couleur des pétunias par une intégration de multiples copies d’un gène clé régissant la couleur, les chercheurs ont observé avec surprise des cas d’extinction de cette coloration. La cause : les siRNAs qui provoquait le silence des gènes additionnels mais aussi du gène endogène.
Ces siRNAs représentent chez les plantes un mécanisme très efficace et spécifique de protection contre les virus, dont la plupart ont des génomes à ARN.  Lorsqu’un virus à ARN infecte une plante celle-ci réagit en produisant des siRNAs complémentaires à l’ARN viral. Ces siRNAs s’hybrident alors à l’ARN viral et dirigent un complexe enzymatique qui dégrade spécifiquement l’ARN viral. Ces siRNAs antiviraux se propagent dans toute la plante  et l’immunisent ainsi contre l’infection virale.

miRNAs et siRNAs chez les mammifères
Chez les mammifères, le mécanisme de RNAi, dirigé par des miRNA et siRNAs, existe aussi et  il est  aussi très important dans la régulation des gènes. Cependant, à la différence des plantes, mais aussi des insectes, chez les mammifères le mécanisme de RNAi implique majoritairement les miRNAs, qui dirigent le clivage spécifique des ARN messagers de la cellule.
Chez les mammifères la réponse antivirale repose sur  le système de  l’interféron qui déclenche la réponse immunitaire et la production des anticorps, un système qui n’existe ni chez les plantes ni chez les insectes. Les études menées sur les cellules de mammifères infectées par des virus montrent que les siRNAs n’interviennent pas dans la défense antivirale, à l’exception des cellules souches. Dans ces cellules, qui justement n’ont pas encore une système d’interféron bien développé, le RNAi pourrait jouer un rôle dans la protection contre l’infection virale.  

RNAi et thérapeutique antivirale
    Dès la découverte du RNAi, celui-ci est apparu comme une méthode très prometteuse dans la lutte antivirale.  La possibilité d’induire in situ la synthèse de petit ARN « artificiels » ou d’introduire de petits ARNs synthétiques ciblant les ARN viraux chez l’humain, serait très spécifique et réduirait énormément le temps nécessaire au développement d’un vaccin.  L’inhibition de la réplication virale par RNAi  a été démontrée in vitro pour une grande variété de virus, incluant un SARS-CoV, un coronavirus de la même famille que celui impliqué dans le Covid 19. Dans certains cas, l’effet inhibiteur de ces petit ARNs sur l’infection virale a été validé in vivo sur des modèles animaux.  Notamment l’inhibition du virus SARS-CoV par RNA in vitro,  a été confirmée  in vivo dans  des macaques infectés par ce virus.
Cependant, malgré ces résultats prometteurs, plusieurs difficultés subsistent encore au niveau des essais  cliniques. Il faut donc encore un important investissement dans la recherche pour surmonter ces difficultés.  Nombreux laboratoires y travaillent !!!!!


*****

lien vers un article de Gilles Boeuf sur  "La tribune" à télécharger (cliquer sur le lien ci dessous)

2020_05_12_La_Tribune_Gilles_Boeuf_compressed_1

 

 

 

 

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